11 sept. 2008

Université de rentrée du Mouvement Démocrate


Extrait du discours de F. BAYROU pour la clôture de l’Université de rentrée du Mouvement Démocrate

(…) Je voudrais maintenant évoquer devant vous les axes principaux de ce qui me paraît devoir être la société humaniste pour le XXIème siècle.

Le premier axe, et peut-être cela surprendra-t-il que je commence par là, consiste en une société créative.

(…) Créative, créativité, création… avec cette idée que toutes les créations sont indispensables. Et pour moi cela concerne l'entrepreneur, le créateur d'entreprise, le chercheur, l'artiste, la création économique, la création de sciences et de techniques et la création culturelle.

(…) Or, il faut une société, non pas qui combatte le risque, mais qui le favorise.

Après une société créative, nous devons avoir une société juste.

Or, la justice, cela commence simplement à l'école et en maternelle. C'est pourquoi je préconise un effort national : concentrer sur le plus jeune âge dans les milieux fragiles, avec un programme de recherche sur la petite enfance et une stratégie d'éducation des familles, lorsque les enfants sont en situation de ne pas trouver l'équilibre nécessaire pour les acquis qui doivent être les leurs.

Une société juste : je veux ouvrir la réflexion sur ce que l'on appelle "l'élitisme républicain". Il y a quelques décennies, en France, toutes les familles humbles et modestes savaient comment il était possible de réussir dans la vie, en travaillant bien à l'école. Tout le monde le savait.

(…) Aujourd'hui, cela n'existe hélas plus ou infiniment moins qu'autrefois.

Nous devons repenser -je vais employer une expression qui n'est pas tout à fait exacte mais sommaire- le « fléchage » qui permet à une personne, même si elle vient d'un milieu sans relation et sans influence, d'occuper, dans la société, un jour, des situations de reconnaissance et de responsabilité. C'est, me semble-t-il, le choix le plus important pour la cohésion de la société si nous voulons qu'elle soit une société humaniste.

Enfin, il y a une question terriblement sensible, délicate à poser, mais autour laquelle, même si je sais que beaucoup de gens ne seront pas de cet avis. Il faut que nous ayons une réflexion. Dans la perspective de la société humaniste qui est devant nous, il faut une réflexion concrète sur un plan pluriannuel d'évolution des bas revenus dans la société française. Travail, revenu du travail, retraite, comment faire pour que, simplement, un peu d'oxygène soit offert, non pas distribué, mais offert. Réflexion sur ce plan pluriannuel.

Troisième grand sujet : une société durable.

Donc, société créative d'abord, société juste ensuite, société durable enfin.

Immense question parce que c'est celle du droit qui n'est jamais évoqué des générations futures, du droit de ceux qui ne sont pas encore nés, du droit des plus jeunes et du droit de ceux qui vont naître. En même temps, puisque j'évoque un pacte inter-générations, cela veut dire qu'il faut désormais poser les questions qui vont avec l'augmentation, en nombre très important, du grand âge. Ce sont des questions très lourdes et que l'on ne peut traiter qu'avec les plus jeunes.

Sur ce pacte inter-générations, je vous propose que nous réfléchissions au droit des générations futures.

Deuxième idée : soutien crédible et ambitieux aux éco-industries, celles qui ont été évoquées à plusieurs reprises ce matin dans cette table ronde, dans l'affirmation qui est la nôtre d'un développement durable qui soit un développement durable concret.

(…) Enfin, troisièmement, les déficits publics. Je vais dire quelque chose de modéré, mais il me semble qu'il faut sortir du faux-semblant que représentent les chiffres actuellement évoqués : 3 % de déficit public, c'est 20 % de déficit de la dépense publique quotidienne : tous les jours on reçoit 80 et on dépense 100. C'est cela, 3 %.

Je pense qu'il faut se fixer un objectif différent et deux fois plus ambitieux, celui de 1,5 % du PIB en déficit public.

Pourquoi ce chiffre ? Parce que c'est le chiffre à partir duquel la dette n'augmente plus ou à partir duquel vous remettez le bateau à flot. Après, tous les chiffres au-dessus, la dette continue à être augmentée à vitesse grand V.

Il me semble que nous devrions nous fixer comme objectif national de ne plus jamais, quelles que soit les circonstances, faire que notre dette augmente, et après, la croissance que nous soutiendrons permettra, je le crois, de façon crédible, de remettre les choses en ordre.

La politique de lutte contre les déficits publics dont nous avons fait un chapitre essentiel de la campagne présidentielle, il me semble que, après, elle est crédible, mais avant elle ne l'est pas, on dit qu'on va le faire et on fait le contraire !

Essayons de nous fixer des objectifs qui, désormais, feront loi pour les générations futures.

Enfin, dernier grand sujet, après la société créative, juste et durable, il faut que cette société soit démocratique.

Ce qui veut dire : séparation des pouvoirs, une loi électorale juste dans laquelle tous les grands courants du pays auront une représentation autonome sans avoir besoin d'aller faire allégeance
Ce qui veut dire une refonte de la démocratie locale qui est aujourd'hui un labyrinthe incompréhensible, et vous savez les principes que l'on a défendus de ce point de vue là.

Ensuite, interdiction de la dépendance entre médias et pouvoir exécutif : il faut une loi qui interdise à des industriels dépendant des commandes de l'État d'être à la tête de grands moyens d'expression en France.

Et enfin, indépendance de la justice. Je veux défendre à nouveau ou reprendre devant vous l'idée d'un Garde des Sceaux indépendant qui ne soit pas soumis à l'autorité gouvernementale, mais qui soit indépendant devant la représentation nationale.

Si nous voyons juste, le besoin de société humaniste se fera plus présent chaque jour et un jour, autour de ce projet, autour de cette alternative il y aura, je le crois, une majorité de Français.

J'ai employé deux mots et je vais m'arrêter un instant sur ces deux mots.

Le premier de ces mots c'est : alternative.

Comme vous le voyez, ce n'est pas un projet de compromissions qui s'accommodent des dérives actuelles et se contenterait de les camoufler ou de les colorier, ce n'est pas un projet de compromission, c'est un projet de confrontation. C'est un autre projet de société, et non pas une soumission au projet de société actuellement dominant.

Le deuxième mot est : majorité.

Le jour où la question sera celle de l'alternance, le jour où la question de l'alternance deviendra ou sera à l'ordre du jour, ce jour-là, la question sera celle de l'efficacité.

Toute victoire électorale suppose des rassemblements et le rassemblement suppose -je dis cela à la cantonade mais peut-être certains y reconnaîtront-ils un message pour eux- d'accepter la différence. Non pas de rechercher l'alignement, la dépendance ou la soumission, mais d'accepter la différence et, s'il le faut, la concurrence.

Jusqu'à maintenant, la règle en France, c'est de ne parler qu'avec les gens qui sont d'accord avec vous. Or nous avons montré tout au long de ces trois jours que notre volonté et notre détermination étaient de parler aussi avec des gens qui, jusqu'à maintenant, n'étaient pas d'accord avec nous, de parler avec des gens différents de nous pour, un jour, pouvoir construire avec des gens qui, jusqu'à maintenant, étaient différents de nous.

Je sais bien qu'il n'est pas facile de passer les frontières, mais c'est en passant les frontières que l'on bâtit des pays pionniers.

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