27 oct. 2008

François Bayrou renvoie dos à dos le capitalisme et le socialisme


C'est Marielle de Sarnez, vice-présidente du Mouvement démocrate (MoDem), qui a exhumé la proposition du candidat Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle de "faire de chaque Français le propriétaire de son logement". "Les ménages français sont aujourd'hui les moins endettés d'Europe", regrettait-il alors, plaidant pour "changer les règles prudentielles imposées aux banques et développer le crédit hypothécaire" sur le modèle américain. "Si le recours à l'hypothèque était plus facile, les banques se focaliseraient moins sur la capacité personnelle de remboursement de l'emprunteur et plus sur la valeur du bien hypothéqué", ajoutait-il.

François Bayrou ne pouvait trouver meilleure illustration du peu de crédit que lui-même accorde aux déclarations récentes de M. Sarkozy appelant à "refonder le capitalisme". Devant la première conférence nationale du MoDem, qui a réuni près de 2 000 personnes, dimanche 26 octobre à Paris, il a une nouvelle fois durement critiqué les choix du chef de l'Etat. Face à une crise "d'ampleur séculaire", M. Bayrou s'est dit "fier" d'avoir fait "de cette question du modèle américain un point de séparation et de confrontation avec Nicolas Sarkozy". "C'est ce modèle que l'on voulait nous imposer en France et c'est cela que nous avons eu bien raison de refuser", a-t-il insisté.

Moquant la "conversion socialiste" de M. Sarkozy - "ce qui doit bien faire rigoler du côté du Fouquet's" -, le président du MoDem s'est attaché à démontrer que les actes politiques de son gouvernement vont à rebours de ses discours. S'il se réserve "la liberté d'approuver ce qui va dans le bon sens", le député des Pyrénées-Atlantiques n'entend pas s'écarter du sillon qu'il laboure inlassablement depuis l'élection présidentielle : celui de l'opposant numéro un à la politique de M. Sarkozy.

Ainsi a-t-il balayé sans ménagement "la tentative un peu burlesque de redorer le blason du capitalisme". "Il n'y a pas beaucoup de chances que ça marche", a jugé M. Bayrou. "Je regrette d'avoir à le dire à l'actuel président de la République, a-t-il poursuivi, mais l'adhésion au capitalisme comme modèle de société est à peu près le contraire de ce que nous pensons, de ce que nous voulons, de ce que nous espérons."

L'ancien candidat à l'élection présidentielle, qui dit "ne pas croire plus à la refondation du capitalisme qu'à celle du socialisme", veut s'efforcer de faire émerger "un projet humaniste". Il entend repousser ce qui, à ses yeux, ressort d'"un modèle de société inégalitaire et consumériste". "Le bouclier fiscal et la loi TEPA, ce n'est pas autre chose que cela", a-t-il réaffirmé. S'emportant contre la volonté de "tout livrer à l'univers marchand", il s'est élevé contre l'extension du travail du dimanche, s'est dit en désaccord avec la privatisation de La Poste, s'est inquiété d'une réforme du lycée qui le ferait entrer dans la "culture du zapping" et a vivement dénoncé la prochaine réforme de l'audiovisuel public.

Un ton et un discours qui ne déparaient pas dans cette salle de la Mutualité où les ténors de la gauche, de toutes les gauches, ont connu leurs heures de gloire. Le président du MoDem s'efforce, précisément, de profiter d'une période où la gauche apparaît atone - à l'exception de son aile radicale conduite par Olivier Besancenot -, ou accaparée par ses querelles intestines, pour marquer des points dans cet électorat.

Le Monde

Patrick Roger

Article paru dans l'édition du 28.10.08

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