29 oct. 2008

Le fou rire indigne des époux Strauss-Kahn-Sinclair


Il y a des couvertures de magazine à ne pas rater si on veut mesurer la grandeur des grands de ce monde. Celle de cette semaine de VSD (n° 1 626) est un pur chef-d’œuvre. Entre, d’une part, deux beaux morts, une centenaire et un trentenaire, et, d’autre part, deux publicités, l’une pour Hallyday, l’autre pour un livre sur Laporte, un portrait en pied du couple Strauss-Kahn-Sinclair remplit la page. On les voit tous les deux se tordre de rire. On comprend tout de suite pourquoi. Un gros titre l’explique : « DSK et Anne Sinclair face au scandale. Comment ils ripostent. » On le voit, en effet, et de quelle belle manière !

La stratégie de trois communicants

Un article du Monde.fr de la veille, le 23 octobre 2008, avait prévenu : on n’allait pas y échapper. Trois amis communicants de l’agence d’Euro RSCG, apprenait-on, avaient accouru à Washington pour « (gérer) la crise à l’américaine » et « tenter d’éteindre le feu médiatique qui (menaçait) le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) », après la révélation de son aventure adultérine. Le plan média prévoyait, après les excuses publiques de DSK, une « photo avec Anne Sinclair (son épouse) dans Paris-Match ». Un contretemps semble avoir contrarié ce choix : sainte sœur Emmanuelle est morte entre-temps ; Paris-Match n’allait pas laisser passer en couverture un tel produit d’appel. La place était donc prise. Les stratèges ont dû se rabattre sur VSD. On notera comme ces gens ont leurs entrées dans ces médias pour pouvoir décider à leur guise de « faire une couverture » à leur promotion et dévotion.

Un beau paradoxe

Ainsi cette photo est un des leurres mis en œuvre par la stratégie des communicants venus au secours de M. Strauss-Kahn empêtré dans son aventure extraconjugale avec Mme Piroska Nagy, économiste du FMI d’origine hongroise, dont le Wall Street Journal avait eu vent. Pour capter l’attention, ce leurre exhibe, comme l’est toute affaire de cocuage, un mélange de plaisir et de malheur d’autrui propre à déclencher le réflexe de voyeurisme.

Mais cette exhibition s’effectue ici sous la forme d’un beau paradoxe asséné en pleine page au lecteur, avec, comme il se doit, contradiction apparente et solution cachée.

- La contradiction apparente réside dans l’opposition entre, d’une part, la posture hilare des époux qui jouent les amants fusionnels, déambulant dans la rue enlacés comme au premier jour, et se marrant comme des baleines, et, d’autre part, le souvenir encore vivace de l’humiliation publique que l’un a infligée à l’autre par une infidélité qui a été criée sur tous les toits.

- La solution cachée de cette contradiction est évidemment dans la métonymie du comportement de l’épouse : si on la voit s’esclaffer de concert avec son mari infidèle, c’est donc qu’elle ne lui en tient pas rigueur. Le lecteur n’a donc pas de raison de se montrer plus exigeant qu’elle. Qu’il se rassure ! Leur ciel de lit est redevenu serein.

Une ambiguïté involontaire tout de même

Cette posture n’échappe pas pourtant à une ambiguïté involontaire qui tient à l’incertitude de la cause dont la métonymie montre l’effet : pourquoi rient-ils au juste ? D’avoir vécu ensemble une bonne blague, lui, en la roulant dans la farine et, elle, en ayant cru à ses salades ? Il y a, en effet, de quoi se plier en deux. A moins que ce ne soit un rire nerveux après avoir frôlé le précipice…

Non, les communicants ont cru subtil de faire exhiber aux époux un rire, rien qu’un rire, parce que c’est la seule posture analogique humaine qui à la fois dédramatise en désamorçant toute interrogation, et qui montre que deux êtres communient dans la même perception d’une distorsion entre ce qui est et ce qui devrait être, d’où surgit la déflagration du rire pour rétablir l’équilibre rationnel voulu. À tout prendre, comme dans les farces de vaudeville à cocuage, magnifique ou non, cette coucherie de M. Strauss-Kahn et de sa jeune subordonnée, Mme Piroska Nagy, ne mérite pas plus qu’un grand éclat de rire. C’est une façon de mettre les rieurs de son côté.

Un exorcisme par le rire

Et pour qu’il n’y ait aucun doute sur ce rire qui pourrait être jugé forcé, artificiel ou même un peu jaune, il a été demandé aux époux de ne pas craindre l’exagération en faisant carrément dans la franche rigolade. Pendant ce temps, les communicants se chargeaient de l’angle de prise de vue : photographié de côté en légère contre-plongée, dans un cadrage à la fois négligé et apprêté, le couple paraît avoir été surpris à son insu dans la rue en pleine poilade par un paparazzo. L’instantané aux allures d’« information extorquée » vise à donner à la scène une fiabilité qu’une pose conventionnelle « donnée » n’aurait pu conférer : il doit faire croire à une scène intime de vie privée découverte par effraction.

Seulement, on sait que tout n’est qu’une mise en scène soignée par les communicants. C’est même la particularité du leurre employé, le leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée, comme dans la fameuse photo de Doisneau, Les Amants de l’Hôtel de ville, dont on a appris tardivement qu’il ne s’agissait que d’une pose étudiée. Toutefois, il n’a pas été jugé opportun de faire prendre aux époux la même posture, lèvres réunies dans un baiser. L’étreinte eût été jugée prématurée et donc peu crédible. Entre l’aventure adultérine et l’étreinte, un temps de « deuil » intermédiaire devait être respecté après le retour au foyer de l’infidèle : c’est celui de l’exorcisme des démons par le rire.

Et franchement, les deux époux y vont de bon cœur, comme deux larrons en foire. C’est tout juste s’ils ne se font pas pipi dessus, à la fois au sens propre, qui n’est pas à proprement parler si propre que ça, et au sens figuré, qui ne l’est pas davantage. C’est justement le danger du numéro de cirque auquel ils se livrent. Ils s’exposent à une autre ambiguïté involontaire : les deux époux convient-ils le monde entier à être témoin de leur harmonie conjugale retrouvée, ou du bonheur qu’ils éprouvent à piétiner allègrement en public leur propre dignité ?

Paul Villach

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=46355

1 commentaire:

Anonyme a dit…

NOUS, DEMOCRATES, DEVONS-NOUS RELAYER CE JEUX VIL EN CONDAMNANT DSK????
nous indigner de la vie privée, ou des reactions de défense naturelles suite à une tentative de destabilisation dans une affaire qui ne relève en rien de la politique...
Nous réclamons une transparence politique... NE SOUTENONS PAS LES ATTAQUES SUR LA VIE PRIVEE, surtout quand nous savons QUI a lancé cette cabale contre DSK... EN pleine crise!
SOYONS DEMOCRATES ET NE JOUONS PAS CE JEU LA.... DE GRACE!